La retraite vue par les candidats à la présidentielle

Se plaçant en pourfendeur du système par répartition, Emmanuel Macron s’est illustré durant cette campagne présidentielle par son projet de régime de retraite par points. Avec sa réforme, il promet plus de justice et d’égalité. Une analyse pas forcément partagée par ses principaux adversaires de course.

En plein débat pour la présidentielle, il a surpris l’ensemble de ses adversaires. Alors que le régime des retraites a connu en 2016 une légère embellie (temporaire ?) en retrouvant pour la première fois l’équilibre, la priorité pour Emmanuel Macron n’est plus tant de s’attaquer à la pérennité des pensions que de simplifier le système. Pour cela, il propose de revoir en profondeur notre système par répartition en instaurant un régime de retraite par points.

Dans le programme de chacun des candidats, aucun ne va aussi loin dans la réforme, préférant le plus souvent adapter par petites touches le régime actuel. Même le très libéral, François Fillon, se contente de vouloir augmenter la durée de la vie active, passant l’âge légal à 65 ans. Sceptique sur l’embellie des comptes actuels, il reste en effet persuadé que c’est la multitude des réformes opérées ces vingt dernières années, qui a sauvé les retraites.
A l’opposé, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen défendent ardemment l’idée d’un retour à la retraite à 60 ans. Pour Benoît Hamon, c’est le statut-quo, le candidat socialiste se contentant seulement d’annoncer une possibilité nouvelle de dons de trimestres entre époux. Bien maigre…

En ce sens, Emmanuel Macron, se montre beaucoup plus novateur. Pourfendeur du système par répartition, il se propose même, à travers sa réforme, de le rendre plus juste et plus simple. Le régime de retraite par points, tant vanté par l’ancien banquier, constitue-t-il vraiment ce véritable progrès social mis en avant ?

Un système complexe face à une réforme inévitable, à un monde en perpétuel mouvement et à des carrières de plus en plus segmentées, diversifiées, parfois interrompues par des périodes de chômage, il est souvent difficile pour un actif d’estimer le montant de sa future retraite. Nombreux, en particulier parmi les jeunes, doutent même de l’idée de pouvoir prétendre un jour à une retraite.

La complexité du système, les réformes successives concernant le recul de l’âge légal, ont même conduit à une certaine résignation.

Pas moins de 37 caisses coexistent actuellement pour un fonctionnement kafkaïen qui, selon le candidat d’« En marche ! », freinerait ainsi la mobilité des actifs français. Alors que le montant de la retraite est calculé en fonction des six derniers mois d’activité pour les fonctionnaires, elle se base au contraire sur les vingt-cinq meilleures années de cotisations dans le privé. A l’inverse, si les primes entrent en ligne de compte dans le calcul de la future pension dans le secteur privé, rien de tout cela n’est prévu dans le public.

Cette multiplicité des règles provoque indubitablement un système qui se trouve être particulièrement pénalisant et surtout incertain pour ceux qui justifieraient d’une carrière fractionnée, accidentée, étant passé par différents statuts. C’est sur ce point qu’Emmanuel Macron affirme vouloir intervenir. Un constat qui fait globalement l’unanimité au sein de la classe politique, laquelle ne critique pas tant l’idée de la mise en place de ce régime de retraite par points mais de l’usage qui peut en être fait.

Un régime de retraite par points promis comme plus juste et équitable

Avec le régime de retraite par points, le candidat à la présidentielle promet pourtant ni plus ni moins un droit à la pension identique pour chaque euro cotisé. En clair, le régime général

rejoindrait celui des complémentaires, fonctionnant déjà sous un principe relativement similaire. Fini les multitudes de caisses différentes, tout le monde dépendrait du même régime désormais devenu universel.

Chaque cotisation équivaudrait ainsi à une certaine quantité de points, cette enveloppe se trouvant alors transformée en capital retraite à la fin de la vie active. La rente perçue sera alors définie en fonction de la valeur actuarielle du point et d’un coefficient de conversion, lui-même fonction de l’âge de départ du prétendant et de l’espérance de vie théorique pour chaque catégorie de la population.

Ce régime social unique, commun à la fois aux salariés, aux fonctionnaires et aux indépendants, vise ainsi à apporter plus de transparence. Peu importe les différents statuts occupés tout au long de sa vie active, chaque cotisant se voit alors gratifier d’une certaine quantité de points qui se cumuleront en toute transparence au fil des années. Cette révolution se traduira, selon le programme d’Emmanuel Macron, par plus de transparence et de justice. Chaque cotisation comptera alors pour le cumul de la retraite.

Le candidat promet même un site Internet et une application pour smartphone permettant à tout un chacun de consulter en temps réel l’ensemble de ses droits acquis et une estimation de ce sur quoi il peut compter en terme de pension. De quoi encourager, selon l’ancien banquier, à plus de mobilité sociale et notamment vers l’entreprenariat.

Un régime de retraite par points aux contours encore assez flous

Un constat pas forcément partagé par l’ensemble de ses concurrents de course, notamment à sa gauche. Anne Hidalgo, maire de Paris et soutien de Benoît Hamon, s’inquiète d’ailleurs des conséquences que pourraient avoir cette nouvelle réforme Macron sur certaines catégories de la population.

Grâce à un véritable programme d’uniformisation, Emmanuel Macron assure vouloir donner à tout un chacun un niveau de retraite directement proportionnel à ses revenus accumulés durant toute la vie active. En réponse aux craintes d’Anne Hidalgo, il se place en pourfendeur du système par répartition et de la générosité qui est la sienne. Il promet notamment de ne pas toucher aux droits des chômeurs, aux trimestres gagnés par les mères ou pères de familles, aux pensions de réversion pour les veuves. Il cite pourtant en modèle le régime suédois, lequel ne prévoit notamment aucune solidarité spécifique pour ces mêmes veufs et veuves.

S’il répète inlassablement que chaque « euro versé pour cotisation ouvrira droit aux mêmes droits », il nuance également ses propos en précisant un peu plus loin que ces mêmes taux de cotisation pourront rester différents en fonction des corporations et en particulier pour les indépendants. Tout en promettant un régime universel, plus égalitaire, il reconnaît aussi à demi-mot la possibilité de la persistance de modèles spécifiques. Ira-t-il ainsi notamment jusqu’à aligner complètement le régime des fonctionnaires sur celui des salariés du privé ?

En l’état, la question reste entière. Quant au privé, ce nouveau régime dessiné par Monsieur Macron pose aussi inéluctablement la question de la persistance des retraites complémentaires. Peut-on imaginer que deux régimes, au fonctionnement alors assez semblable, puisse demain continuer à coexister ?

Si le candidat à la présidentielle promet un système qui ne soit pas moins généreux que l’actuel, cette promesse repose aussi sur le principe de la définition d’une valeur du point suffisamment forte et généreuse. Or, dans un système où cette valeur peut dès lors être directement contrôlée par le pilote, toutes les interrogations sont permises.

Quant à François Fillon, sans critiquer directement l’initiative d’Emmanuel Macron, il dénonce une réformette qui ne résoudra à elle seule en rien les vrais problèmes. Et si cette mesure de toilettage d’un régime par répartition, ô combien imparfait, n’annonçait finalement pas une autre réforme bien plus complète et moins populaire que la première ?

Un changement pourtant nécessaire à l’aube de l’arrivée massive en retraite de toute la génération du Baby-Boom…

About Sébastien Jaslet
Diplômé de l’Ecole Française de Journalisme (EFJ), filiale de l’EFAP, il a collaboré à ses débuts avec les équipes de Julien Courbet pour l’édition de leur magazine Stop Arnaques. Altruiste, il a depuis fait du conseil au consommateur et au citoyen une de ses spécialités.

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